03 Janvier 1992

La neige tombait doucement, froide et implacable à travers la fenêtre, oh pardon, à travers ce qu'il restait de la fenêtre. Un cri déchirant retentit dans la pièce froide éclairé par la seule lumière de quelques bougies posée sur le sol. Cet hiver et comme tous les hiver dignes de ce nom en Norvège il faisait une température intolérable pour un corps humain, une température bien plus intolérable lorsqu'elle est supportée dans une sorte de cabanon en bois ronger par les mites. Le vent passait facilement à travers tous les défauts du bois.
Au centre de l'unique pièce de la "maison" se trouvait une femme allongée sur un tas de drap informe, le visage rouge, les cheveux collés pas l'effort et la sueur, elle criait de plus belle à chaque fois. En face d'elle une autre femme, plus jeune a vu de nez, maintenait ses deux jambes en l'air en lui criant des encouragements. Un homme très massif et barbu lui tenait la main fermement, ses yeux étaient clos et ses lèvres bougeaient frénétiquement, comme s'il récitait une prière. Parfois, il entrouvrait les yeux et regarda la femme à ses pieds, les yeux pleins de larme qui refusaient de coulées.
Au prix d'un dernier cri des plus déchirant, un tout petit être baignait de sang apparût dans les bras de la dite sage-femme, elle sourit doucement et annonça d'une toute petite voix, presque inaudible à cause du vent qui soufflait dans la charpente et également à l'intérieur du cabanon.

"C'est une fille, une toute petite fille..."

Les deux êtres se tenant la main sourirent à leur tour, la mère du nouveau né tendit les bras, manifestant l'envie de tenir son enfant dans ses bras. La sage-femme la lui passa avec la plus grande attention possible et se releva prête à partir. Elle adressa un signe de tête aux deux nouveaux parents et s'en alla. Dans la presque obscurité une voix féminine et manifestement souffrante s'éleva.

"Kirsten, elle s'appelle Kirsten, prend soin d'elle, s'il te plaît."

Cela ne dura que quelques secondes et encore. La femme ferma les yeux pour ne plus jamais les rouvrir. L'homme à ses côtés, après avoir récupéré le bébé, fondit en larme sur le corps éteins de sa dulcinée.




La petite fille brune montait les marches de l'escalier plus que bancal, un plateau en équilibre sur un bras, l'autre étant occupé à s'accrocher tant bien que mal à la rampe miteuse. Le sourire jusqu'aux oreilles elle gravit héroïquement la volée de marche finale pour arriver à l'étage supérieur de la minuscule maison. Le parquet grincé affreusement sous les pas de la petite Kirsten qui n'en perdait pas son immense sourire. En riant presque, elle courut pour atteindre la porte du bout du couloir et pour l'ouvrir à la volée. Elle se jeta sur le lit déjà occupé par un homme qui avait l'air bien malade. Elle posa le plateau charger d'une soupe et de quelques comprimés sur les genoux de la personne qui semblait de toute évidence être son père. Elle glissa du lit avec souplesse et s'installa sur le tapis en se frottant les mains rougies par le froid.

"Tu sais quoi, papa et ben le médecin a dit que tu allais bientôt être remis sur pied. Bientôt tu pourras revenir joué dans la neige avec moi, tu viendras, hein papa! Peut-être même qu'on pourra faire noël tous les deux! Comme l'année dernière tu te souviens? On avait mangé des clémentines toute la soirée et j'avais même dormi dans ton lit! Dis, je pourrais dormir dans ton lit ce soir? S'il te plaît, s'il te plaît, s'il te plaît!"

L'homme resta silencieux sur le lit, la petite fille se releva et se mit sur la pointe des pieds, accoudée au lit.

"Tu m'en veux encore d'avoir cassé la rambarde de l'escalier de l'entrée? J'ai pas fait exprès, tu le sais ça, hein!"

Au bout de quelques minutes, la petite fille se plaça tant bien que mal au-dessus du tas de couverture et se mit à étirer la peau des joues de son père au maximum, elle lui donna ensuite des petites gifles sur ces même joues pendant encore un long moment. Elle comprit enfin la situation lorsqu'elle se rendit compte que le coeur de la personne ayant été son père ne battait plus. Elle était peut-être jeune, mais pas idiote.





Il faisait nuit noire à Oslo ce soir la, seul le reflet de la lune pleine fournissait de la lumière qui donnait un aspect fantomatique à la ruelle silencieuse. Une silhouette avançait plutôt rapidement au milieu de la route craquelé bordée d'immeubles plus ou moins en ruines. La silhouette qui semblait appartenir à une jeune femme se dirigeait vers une grande maison qui devait dater de quelques siècles déjà. Des lumières brillaient à certains carreaux, même si la majorité des fenêtres étaient sombres. La nuit tait déjà très avancée, ou devrais-je dire, ou bien devrais-je dire que la nouvelle journée avait déjà débuter depuis plusieurs heures. À mesure que la silhouette se rapprochait, elle semblait vouloir aller de plus en plus vite pour rejoindre ce qui devait être une sorte d'orphelinat, vu sa grandeur, une seule personne ne pouvait pas habiter dedans.

Un hurlement animal déchira le silence de la nuit, brusquement, la jeune femme se retourna en laissant tombé les divers paquets qu'elle tenait dans ses bras, certains s'ouvrirent laissant choir au sol de la nourriture en piteux état désormais, même si je doutais de leur fraîcheur avant qu'ils ne tombent sur le sol. La peur se lisait sur le visage de la jeune femme, à vu de nez, je lui donnerais une quinzaine d'année. Elle s'était figée au milieu de la rue, n'osant plus esquissé le moindre geste. Le hurlement retentit une seconde fois dans l'obscurité et enfin vint le moment où deux petits yeux brillants d'un éclat malsain se détachèrent de la pénombre. Avalant douloureusement sa salive, la jeune femme fit volte-face et couru à en perdre haleine vers l'orphelinat. Mais la bête était en toute logique, bien plus rapide, elle la rattrapa en quelques longues enjambé et lui sauta dessus, plaquant la jeune femme au sol. Celle-ci se débattit tant bien que mal mais, à chaque fois qu'elle essayait de repousser la bête avec ses poings, celle-ci la maintenait encore plus fermement au sol. Tout se passa très vite malgré tout, l'énorme chose mi-loup mi-homme se jeta à son coup pour planter ses crocs dans la chaire fraîche de sa victime. Elle l'abandonna ensuite sur le goudron s'en allant laissant une horrible morsure à son cou.




Le soleil venait de se lever derrière les collines, cela faisait plusieurs jours déjà que je marchais en direction de... je ne le sais même pas moi-même à vrai dire, je peux juste affirmé que quelque chose m'attire vers cet endroit, il me restait encore quelques mètres à parcourir avant d'atteindre la lisière de la petite ville qui semblait bien paisible. Pour arriver ici, j'avais enchaîné divers moyens de transport, le stop, le train ou encore la marche, tant et si bien que je me retrouve ici, faucher au possible, certes, mais satisfaite de moi-même. Ça m'était apparût comme une évidence un matin il y a deux semaines environ, je devais bouger, changer d'endroit, me cacher. Pas pour éviter de tuer ou de transformer le plus de personnes possibles sous ma forme de lycanthrope, au contraire, pourquoi devrais-je les épargner? Après tout ils ont voulu nous faire disparaître de la surface du globe, nous les loup-garous. Qu'ils crèvent tous, dans une souffrance atroce, ce serait bien mieux. Je m'aventurai donc dans la petite ville de l'Est de l'Europe il me semble, tout semblait calme. Je ne croisai personne sur mon chemin à dire vrai. J'étais arrivée à destination, mais je ne savais strictement pas quoi faire maintenant, ma nouvelle vie commençait fort bien.