Je suis né il y a environ dix-huit ans, un jour de pluie m’a-t-on toujours raconté. Mais je n’ai plus vraiment de souvenirs de cette période. J’ai toujours cru que mes parents m’avaient renié pour la simple et bonne raison que j’ai été trouvé un jour de pluie dans un endroit dont on n’a plus pu me citer le nom. Des personnes très gentilles m’ont recueillies et j’ai été élevé par ces personnes jusqu’au jour où ils ont découvert que je n’étais pas une personne comme les autres. Certes, j’aurais pu me retrouver seul, mais je suis alors tombé sur des personnes qui pouvaient m’aider. Je devais alors avoir dans les environs de dix ans. Ma beauté avait grandi en flèche sur très peu de temps et j’avais remarqué que des petites protubérances m’étaient apparues sur le front. Je me détestais de plus en plus et une personne étrange m’a expliqué ce que j’étais avant de m’offrir une paire de boucles d’oreilles dont l’une, apparemment, pouvait faire disparaître ce qui poussait sur mon front et qui semblait s’apparenter à des cornes, de même que celles qui se trouvaient là où se trouvent normalement les queues et des ailes : j’appris alors que j’étais ce que l’on appelle un incube. Je ne compris réellement ce que j’étais que lorsque, à mes douze ans, l’orphelinat dans lequel je me trouvais accueilli une jeune fille qui faisait de nombreux rêves. Je ne comprenais pas pourquoi mais, sans m’en rendre compte, chaque nuit, j’allais la voir et me glissai dans son lit : comme je n’avais que douze ans, rien de plus que cela, et la berçait d’une chanson avec ma douce voix. Je pris peur quand, au bout de quelques jours, elle commença à ne plus dormir, son sommeil se fit de plus en plus vide, et qu’elle mourut. J’arrêtai donc de faire ce genre de chose jusqu’à mes quinze ans où m’on me désigna comme un mineur émancipé, sans doute car ils avaient remarqué que j’étais ingérable et que mes chants rendaient tout le monde étrange : moi aussi, je l’avais remarqué. Je passai alors quelques années de ma vie comme serveur dans un restaurant, découvrant petit à petit mon corps et ses capacités, ne retirant pas mon amulette de peur de me retrouver hideux comme je l’étais, voire plus, quand on me l’avait donnée... Malgré cette amulette le pouvoir de séduction que je possédais et dont j’étais conscient ainsi que celui de ma voix étaient restés intacts. Je me fis renvoyer de ce restaurant après avoir emmené chez moi la femme du patron que j’avais charmée « de manière délibérée devant les yeux du patron ». C’est ainsi que j’avais fini par avoir eu vent d’une ville nommée Alrich et où, il paraissait, des monstres vivaient incognitos. Je me dis que peut-être quelqu’un là-bas me comprendrait et je décidai de m’y rendre, j’avais alors 18 ans. Un beau jour, je devins chanteur dans un café dont la patronne avait été séduite par ma voix enchanteresse, et je peux désormais continuer mon manège incognito, parmi tant d’autres monstres et humains.